L’autrice et sexologue Jocelyne Robert a fait paraître Vieillir avec panache, un ouvrage qui veut stimuler la réflexion sur la façon dont les vieux et les vieilles* sont perçus et traités, et qui invite également ces derniers à modifier leur propre perception d’eux-mêmes, afin de la dépasser avec fierté et éclat. Avec panache, quoi !

Le point de bascule

Jocelyne Robert a un bel historique avec les vieux. Jeune sexologue en début de carrière, elle décroche un premier gros contrat dans un centre hospitalier de soins prolongés (les anciens CHSLD), où elle forme les infirmières et les préposées afin de leur faire prendre conscience des dimensions affective, érotique et émotionnelle de leurs résidents. « Elles étaient toujours toutes surprises si un résident manifestait un besoin sexuel ou érotique, comme si ça n’existait plus. Elles capotaient et ne savaient plus quoi faire », se rappelle l’autrice.

En 2010, elle publie Les femmes vintage, qui traite des femmes de 50 à 70 ans et de leurs relations avec le vieillissement, la beauté, le sexe, la chirurgie esthétique et la mort. Le livre connaît un tel succès qu’il marquera, en quelque sorte, un tournant dans sa carrière, qui gravitera désormais principalement autour des personnes de 50 ans et plus.

Depuis longtemps, Jocelyne Robert caressait le désir d’écrire un livre sur la vieillesse en général, pour y inclure les hommes, si bien qu’elle portait déjà en elle le contenu de ce livre, qui ne demandait qu’à être exprimé. Ainsi, elle décrit le confinement du printemps 2020 comme « le point de bascule » qui a rendu ce projet possible : « C’est comme si la COVID m’avait un petit peu donné [l’élan] pour me mettre au travail, pour me dire, ça suffit, là. On va se pencher là-dessus sérieusement. »

L’âgisme

La première partie de Vieillir avec panache présente un portrait du sort réservé aux personnes âgées, directement relié à la façon dont elles sont perçues. La sexologue y parle notamment d’un clivage entre les générations qui donne lieu à des manifestations peu élégantes, comme le phénomène « OK boomer », qui a envahi les réseaux sociaux au cours de la dernière année. Une forme d’âgisme parmi tant d’autres.

La question de l’âgisme se trouve d’ailleurs au cœur du livre de Mme Robert, alors qu’elle y dénonce les préjugés tenaces envers les vieux et la hantise du vieillissement, des sentiments qui sous-tendent l’âgisme.

« Vieillir, c’est comme retomber en enfance »; c’est l’un des préjugés les plus répandus concernant les personnes âgées. Que les vieux comprennent tout moins bien, ce qui mène, entre autres, à les infantiliser de toutes sortes de manières, en leur parlant comme à des enfants. « Quand tu vas dans des résidences, des CHSLD et que tu entends le personnel parler aux gens, on dirait qu’ils parlent à [des enfants] de trois ans et demi. En anglais, on appelle ça le elderspeak. Et les personnes détestent se faire parler comme ça. C’est connu; j’en parle dans le livre. », affirme Mme Robert.

Des portraits peu flatteurs des vieux

La façon caricaturale dont les vieux sont représentés est une autre source d’indignation pour l’autrice : « Si tu regardes les pubs, souvent les vieux et les vieilles ont l’air d’être des espèces d’attardés. Soit c’est ça, soit c’est l’opposé, c’est-à-dire, le bonhomme de 70 ans qui sort de la douche en chantant parce qu’il prend du viagra. Ça non plus, ce n’est pas réaliste ! ». Elle poursuit : « C’est toujours un peu faussé. Au fond, on ne traite jamais les personnes vieillissantes de manière simple, normale ou ordinaire, c’est-à-dire comme des êtres humains à part entière, capables de réfléchir et qui ont droit à tous les privilèges qui viennent avec ce que c’est qu’être un être humain. Souvent, on les considère comme des enfants ou des incapables, comme une sorte de classe à part. Comme s’ils étaient déjà morts, finalement. Et ça, comme société, c’est indigne. C’est inadmissible ! »

Des pistes de solution

Dans la seconde partie du livre, la sexologue tente de proposer des solutions grâce à des chapitres beaucoup plus positifs :

« Transformons notre regard pour retrouver l’érotisme, retrouver la joie et changer notre perception de la beauté. Ce n’est pas vrai que la beauté, c’est juste la jeunesse. C’est complètement farfelu ! »

L’érotisme, parlons-en !

C’est en effet la célébration de l’érotisme qui ouvre cette seconde partie, ce qui, à première vue, peut étonner. Mais on se rend vite compte que cette surprise est justement le résultat d’idées préconçues, véhiculées puis intériorisées. « J’ai mis [ce chapitre] en premier, explique Jocelyne Robert, parce que c’est le plus gros préjugé. On pense qu’on est dans une société de plaisir, mais le vieux précepte de procréation, inconsciemment, il est encore là. Comme si, parce qu’on ne peut plus faire de bébés, on n’avait plus de sexualité. […] On s’imagine encore que l’érotisme, ça concerne seulement les jeunes, beaux, bronzés et en santé, alors que les personnes vieillissantes, elles ont un érotisme aussi ! Vous savez, la sexualité, ça finit avec la mort. Bien sûr, ça se transforme, mais les besoins affectifs, sensuels, sensoriels, et chez certains, la pulsion génitale, demeurent ! Si vous lisez le témoignage de Mme Rosa dans le livre, à 78 ans, elle a une libido que pourrait lui envier bien du monde. » (Elle rit.)

Le droit à tout

Avec cet essai, la sexologue et conférencière veut « brasser la cage » d’un peu tout le monde – les vieux et les vieilles, la société, les gouvernements, les institutions –, et les amener à se remettre en question concernant la place faite aux personnes âgées : « Ce n’est pas parce que tu as 60-65 ans et plus que tu n’as plus droit à rien. Tu as toujours droit au travail (si désiré), au plaisir, à l’amour, à l’érotisme, etc. Comme société, il faut élargir [notre vision] et enlever nos oeillères, et je pense que les personnes âgées elles-mêmes vont finir par se considérer avec plus de valeur. Je trouve ça d’une tristesse, cette perte de sentiment de valeur en vieillissant. Il n’y a pas de raison que ce soit comme ça. Aucune ! »

* N. D. L. R. Dans cet article, nous utilisons sans gêne les noms « vieux » et « vieille » en réponse à un chapitre de Vieillir avec panache qui traite du pouvoir des mots. Selon Jocelyne Robert, ces appellations, qu’elle utilise abondamment, ne semblent irrévérencieuses que parce que tous ont intériorisé l’idée qu’être vieux, c’est négatif, alors que, fondamentalement, ces mots signifient simplement être « d’un âge avancé ».

Vieillir avec panache est offert partout.

Visitez jocelynerobert.com pour vous informer sur les activités professionnelles de l’autrice, sexologue et conférencière Jocelyne Robert.