Le Dr Réjean Hébert connaît bien le système de santé québécois, lui qui y a navigué pendant toute sa carrière en tant que gériatre, chercheur et homme politique. Il propose des solutions pour adapter le système de santé aux besoins de la population vieillissante, notamment des services de première ligne plus efficaces et plus accessibles et des services à domicile financés autrement, bien organisés et en quantité suffisante.
Ses propos sont d’autant plus d’actualité que la population vieillissante au Québec est confrontée chaque jour aux insuffisances d’un système qui peine à répondre à ses besoins. Le manque de médecins de famille est criant, les médecins délaissent le système public au profit du privé et les listes d’attente pour les chirurgies orthopédiques s’allongent.
« Le Québec vieillit, mais on ne réalise pas à quel point, écrit Réjean Hébert. Il faut adapter nos services à cette nouvelle réalité. Force est de constater que nous refusons de voir notre vieillissement collectif, de voir les vieux et les vieilles. »
« Les vieux sur le banc des punitions »
Devant cette sombre réalité, le Dr Hébert dénonce l’âgisme systémique qui règne au Québec et exhorte les vieilles personnes à prendre leur place dans la société et à faire entendre leur voix.
« Il existe toutes sortes d’obstacles qui font que les personnes âgées sont en marge de la société tant sur le plan de la main-d’œuvre que sur le plan de la participation sociale et ça, c’est dramatique! »
Une situation d’autant plus surréelle, indique le Dr Hébert, que la société a bien besoin en ce moment de la participation, même à temps partiel, des personnes âgées sur le marché du travail.
« Notre société a mis les personnes âgées sur le banc des punitions alors qu’on aurait bien besoin qu’elles soient sur la glace pour contribuer à la vie sociale et économique. »
Autre obstacle lourd de conséquence et qui fait bondir le Dr Hébert : l’âgisme bienveillant qui contribue à généraliser une image de la personne âgée comme étant vulnérable et dont il faut prendre soin.
« Les personnes âgées ne sont pas vulnérables, c’est quoi cette histoire-là! Je m’insurge contre cette agglomération qu’on fait des personnes âgées comme étant des personnes vulnérables, des personnes pauvres à qui on donne des réductions dans les cinémas. C’est de l’âgisme et c’est de la ségrégation. »
Le Dr Hébert explique que l’assimilation des personnes âgées à des gens pauvres et vulnérables est en fait un âgisme systémique qui s’est révélé durement pendant la pandémie; nous avons été témoins en temps réel d’une société qui dévalorise la personne âgée.
« Mourir les bottes aux pieds »
Les preuves scientifiques sont solides : il existe des moyens de prévenir la maladie en vieillissant. On les connaît bien, mais on ne les applique pas toujours.
« Cessez de fumer, car la cigarette est encore un facteur important de maladie même après 80 ans. Demeurez actif physiquement; je ne parle pas d’aller au gym trois fois par semaine pour lever des haltères, mais plutôt de marcher, de faire du vélo pour maintenir une activité modérée, mais régulière. »
L’alimentation demeure un facteur important; une diète bien équilibrée avec des fruits et des légumes est un moyen protecteur très puissant. Sans oublier la participation sociale qui serait un facteur aussi important que de cesser de fumer ou de pratiquer l’activité physique.
Finalement, pour éviter la maladie d’Alzheimer, le Dr Hébert recommande de maintenir une activité intellectuelle et cognitive.
« La maladie d’Alzheimer, qui est sans doute la maladie qu’on redoute le plus lorsqu’on arrive à 60 ans, dépend, entre autres, de ce qu’on appelle la réserve de neurones. Plus une personne a une activité intellectuelle importante, plus ses neurones développent des liens entre eux et forment une espèce de bouclier contre la maladie d’Alzheimer. »
« Debout les vieux et les vieilles »
Devant les ratés de la société québécoise en matière de soins pour les vieux, Réjean Hébert rappelle qu’on a les gouvernements qu’on mérite. Et malheureusement, le gouvernement actuel estime qu’il est plus rentable sur le plan politique d’annoncer une maison des aînés que d’annoncer un investissement significatif en soins à domicile.
« On continue d’annoncer des maisons pour aînés alors que bâtir des institutions pour les personnes âgées, c’est exactement ce qu’il ne faut pas faire. On l’a vu avec tous les décès pendant la pandémie. »
Dans son livre, le Dr Hébert rappelle que les vieilles personnes peuvent désormais compter sur la force du nombre et qu’elles sont en droit de réclamer des soins de santé adaptés à leur réalité.