Est-il trop tard pour investir son argent passé la soixantaine? Un expert répond à notre question.

La retraite semble (enfin) à votre portée. Seulement quelques années vous séparent de votre pension de la Sécurité de la vieillesse et vous êtes déjà admissible au Régime de rentes du Québec. Votre marge financière, quant à elle, est sans doute à son summum puisque vos importants déboursés, tels qu’une hypothèque, un prêt étudiant, etc., sont derrière vous.

Tout cet argent disponible pourrait, bien sûr, être investi. Mais, alors que votre fin de vie professionnelle active approche, vous vous demandez sûrement si cela vaut encore la peine d’investir. Dany Provost, chroniqueur, auteur, associé et directeur en planification financière et optimisation fiscale chez SFL Expertise, vous explique pourquoi investir après 60 ans demeure une bonne idée.

Voir plus loin

 « C’est une évidence : la vie ne s’arrête pas à 60 ans. Il faut continuer d’investir à mon avis », indique sans détour le professionnel. Mais ce dernier ne sous-entend pas pour autant de laisser dormir son argent à l’intérieur de certificats de placement garanti (CPG) et de dépôts à terme, même si leur stabilité peut en charmer plusieurs. « Exceptionnellement, les taux des CPG ont augmenté à la suite des effets de la pandémie. Cependant, leur taux a généralement de la difficulté à surpasser celui de l’inflation. Ainsi, à long terme, on ne s’enrichit pas en dollar constant; on perd plutôt de son pouvoir d’achat. Pour moi, cela ne correspond pas à la notion d’investissement », explique M. Provost.

Pour le directeur en planification financière, mieux vaut miser sur un véhicule d’investissement qui correspond à notre niveau de tolérance : « À 60 ans, on peut encore penser à du long terme. Aujourd’hui, nous vivons beaucoup plus vieux ». À cet effet, l’Institut de la statistique du Québec rapportait en juin dernier que l’espérance de vie moyenne des Québécois ayant atteint l’âge de 65 ans, femmes et hommes confondus, était de 20,9 ans de plus, soit autour de 86 ans.

D’ailleurs, investir ou continuer d’investir à cet âge peut changer la donne. Comme le mentionne M. Provost : « si la personne a beaucoup d’argent, c’est sa succession qui va en profiter. Mais si la personne prévoit avoir une situation financière serrée à sa retraite, cette décision risque d’améliorer son niveau de vie ».

Une question de profil

Cependant, le professionnel en finance n’enjoint pas à se précipiter pour placer son argent dans des véhicules ayant les plus hauts rendements. Car, jeune ou plus âgé, chaque investisseur doit connaître sa tolérance au risque et respecter son profil d’investissement. « Quelqu’un qui aurait un portefeuille trop risqué pour son profil sera constamment anxieux, et ce, même si celui-ci produit un bon rendement. La priorité pour cette personne, c’est la sécurité. Alors, elle ne vivra pas très bien avec le fait que son portefeuille puisse subir de grandes fluctuations. Inversement, quelqu’un avec un profil plus audacieux et un portefeuille plus conservateur sera continuellement frustré de faire seulement des petits rendements », explique M. Provost.

Il est donc impératif de connaître son profil, quitte à le réexaminer si l’exercice a été fait il y a longtemps. Pour déterminer son type d’investisseur, trois éléments clés sont évalués :

  • La capacité objective de prendre des risques, c’est-à-dire ses capacités financières.
  • La volonté de prendre des risques, soit le volet psychologique. Est-ce que l’investisseur est capable de tolérer des rendements « décevants »?
  • La nécessité de prendre des risques. Par exemple, un investisseur qui aurait commencé tardivement à planifier sa retraite et qui aurait besoin de plus de revenus pour répondre à ses objectifs financiers.

Après quoi, un planificateur financier sera en mesure de proposer les produits appropriés. Qu’il s’agisse d’obligations, de titres à revenu fixe, d’actions avec dividendes, de fonds communs de placement, etc. « On entend souvent qu’il faut éviter les actions lorsqu’on investit plus tard dans notre vie. Or, les actions ne sont pas nécessairement à proscrire, même si on planifie un décaissement à moyen terme. Par contre, le risque est moindre lorsqu’on choisit des actions provenant de sociétés à forte capitalisation comparativement à une nouvelle entreprise en biotechnologie qui viendrait d’entrer en bourse », cite en exemple le directeur en planification financière.

Rester alerte

Connaître son profil est primordial. Cependant, une fois cette information obtenue, cela ne veut pas dire qu’il faut se précipiter sur n’importe quel véhicule de placement qui correspond à notre type d’investisseur. « Lorsque c’est trop beau pour être vrai; c’est trop beau pour être vrai. La relation risque et rendement, elle existe. Plus on veut faire du rendement, plus il y a de risques. Cela n’existe pas, des rendements immenses sans prendre de risques », souligne le professionnel en finance.

Par ailleurs, ce dernier met aussi en garde contre les sollicitations de personnes sans qu’il y ait eu de démarches au préalable par l’investisseur. « Lorsque quelqu’un “sorti de nulle part” vous contacte pour des placements, vous devriez toujours vous poser la question, ainsi qu’à ce dernier : comment a-t-il eu vos coordonnées? Demandez-lui à son tour ses coordonnées. Si la personne refuse, c’est très mauvais signe. Mais, si vous êtes intéressé par ses produits financiers, vous devriez aussi vérifier auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF) si la personne a le droit de les vendre, si elle détient les certifications nécessaires, etc. Vous pouvez aussi regarder auprès de l’Organisme canadien de réglementation des investissements pour avoir plus d’information », explique M. Provost.

Finalement, le professionnel en finance rappelle qu’il ne faut jamais divulguer ses renseignements personnels à quelqu’un qui les solliciterait au téléphone ou par courriel. « NAS, NIP, numéro de carte de crédit… il ne faut jamais donner ces informations. Toutefois, si vous appelez à un endroit, par exemple une institution financière reconnue, c’est différent. Également, une offre d’investissement par courriel ou texto : c’est un modèle d’affaires discutable. Vous devriez communiquer avec la personne. De toute façon, il faut désormais donner son autorisation pour obtenir de la sollicitation par courriel », mentionne ce dernier.