Après plusieurs mois passés à jouer un rôle qui la comble de bonheur, celui de grand-mère dans la vie réelle, Guylaine Tremblay s’apprête à vivre un automne bouillonnant où elle revient au-devant de la scène culturelle. À l’occasion de la reprise de son spectacle J’sais pas comment, j’sais pas pourquoi – Moi, c’est Yvon Deschamps!, la comédienne s’exprime sur sa relation avec l’œuvre d’Yvon Deschamps – du parolier en particulier – et sur son admiration pour l’homme derrière les mots. Elle dévoile également une autre figure d’inspiration, puis, dans le sillage de sa sortie sur les commentaires désobligeants reçus par les femmes sur les médias sociaux, on découvre avec elle si dénoncer la haine donne des résultats.

Yvon Deschamps, idole

Guylaine Tremblay a un souvenir très clair de ses premiers contacts avec Yvon Deschamps et son œuvre. Elle se revoit, petite, devant le téléviseur familial, découvrir l’artiste, avec son « petit œil pétillant d’intelligence et son sourire » : « Je le dis à la blague, mais tout commence par un kick quand on est petite fille, raconte avec candeur la comédienne. Moi, je le trouvais beau, Yvon Deschamps! Je me souviens très bien d’images. Je le vois chanter des chansons comme Oublions, et je vois une larme qui coule pendant qu’il chante, alors qu’il vient de me faire mourir de rire une minute avant. Et je me disais, “C’est ça que je veux faire. Je veux être comme lui.” »

Au fil des années, cette fascination enfantine se transforme peu à peu en une admiration sans bornes : « Plus j’avançais dans la vie, plus je découvrais le génie de cet homme parce que, n’ayons pas peur des mots : pour moi, il est génial, Yvon Deschamps! »

Guylaine Tremblay souligne la grande tendresse et l’amour profond d’Yvon Deschamps pour l’être humain, « parce que, même quand il fait des monologues où il semble rire de quelqu’un, il faut toujours prendre ça au deuxième degré. » Elle vante également sa « grande générosité » et son « cœur immense », et considère l’humoriste comme un pilier de la société moderne québécoise : « C’est vraiment quelqu’un qui nous a construits, au même titre que des Jeannette Bertrand ou autre. Il a ouvert la voie à tellement de monde! Il a ouvert mon cœur sur plein de sujets. C’est un géant de notre société. C’est mon idole. C’est un artiste, mais aussi un être humain que je trouve exceptionnel. »

J’sais pas comment, j’sais pas pourquoi

Rien d’étonnant, dès lors, à ce que la comédienne songe à créer un spectacle inspiré de son idole. L’idée demeure latente durant plusieurs années, jusqu’à ce qu’une discussion avec son ami Michel Poirier – maintenant metteur en scène du spectacle – permette de trouver l’angle qui convenait à cette sorte d’hommage. « Je voulais chanter ses chansons, parce qu’à mon sens, ses monologues n’appartiennent qu’à lui, mais ses chansons, je peux me les approprier. » À son ami qui lui demande pourquoi elle veut faire ce spectacle, Guylaine Tremblay répond que c’est parce qu’il lui semble qu’Yvon Deschamps a été là toute sa vie, qu’il l’a guidée, en quelque sorte, avec ses écrits et ses chansons. « Et là, ajoute-t-elle, je lui racontais que telle période de ma vie, ça correspond à telle chanson. Et à un moment donné, il m’a arrêté et m’a dit : “C’est ça ton spectacle, Guylaine. Ce n’est pas juste chanter, c’est relier des moments charnières de ta vie avec ça.” »

Des chansons touchantes et des chansons tordantes

Les chansons qui se retrouvent dans le spectacle ont été choisies en fonction des liens émotifs que la comédienne a créés avec elles. Elle avoue avec humilité se servir d’Yvon Deschamps pour « vaincre une espèce de pudeur » qu’elle aurait à se raconter, et donne ensuite l’exemple suivant.

Exergue « Il y a une chanson d’Yvon Deschamps qui s’appelle Papa. Une belle chanson, simple, mais qui nous donne vraiment toute l’émotion qu’on peut ressentir quand notre enfant nous appelle papa. Moi, ça me touchait beaucoup, parce que je me disais : “Moi qui ai adopté mes enfants, je me suis toujours dit, avant que mes enfants arrivent, je dois me sentir comme un papa.” Tu sais, le papa, il n’a pas la bedaine, il n’a pas eu la grossesse dans son ventre, mais il attend, avec impatience, avec tout son amour, ce bébé-là. Donc, cette chanson me frappait droit ton cœur parce que je comprenais très bien ce que ça voulait dire. »

Pour Guylaine Tremblay, les chansons et les écrits de l’humoriste renferment de nombreuses leçons de vie puisqu’ils traitent de thèmes fondamentaux : « La vie, la mort, l’amour, le couple, l’étranger, l’autre, le racisme, la différence, tout y est passé! »

Elle évoque Seul, une chanson extrêmement émouvante sur la peur universelle de mourir seul et qui touche le public de façon certaine.

Elle mentionne Aimons-nous, qu’elle considère comme un hymne national, en relevant la puissance du texte : « Aimons-nous quand même. Tu sais, ce quand même-là, il est tellement porteur de toute la générosité et du cœur d’Yvon Deschamps. C’est aimons-nous, malgré tout. »

Mais il y a, bien entendu, une place pour l’humour dans ce spectacle : « Les fesses, par exemple, qu’on ne peut pas ne pas faire. On ne peut pas se priver de ce plaisir-là. »

Un Tremblay à la télé

Au moins un autre grand artiste québécois a beaucoup inspiré Guylaine Tremblay. 

Tout comme pour Yvon Deschamps, c’est par la télé qu’elle a découvert, un soir, dans les années 70, l’œuvre de Michel Tremblay, par le biais d’un téléthéâtre : « J’ai vu ça aux Beaux Dimanches, et j’ai fait : “Moi, je veux faire ça!” » Le patronyme du dramaturge l’interpellait également : Exergue « Naïvement, ça voulait dire qu’on pouvait être une petite Tremblay et, peut-être, faire ce métier-là plus tard. Je voyais à l’écran des gens qui parlaient comme moi, comme ma mère, comme mes tantes et mes oncles. C’est sûr que Michel Tremblay, que j’ai beaucoup joué par la suite, a été une figure hyper importante. Il a déclenché, en quelque sorte, toute ma carrière théâtrale. »

Dénoncer, qu’ossa donne

Crédit: Julien Faugère

Difficile de ne pas revenir avec Guylaine Tremblay sur le message qu’elle a publié au printemps sur sa page Facebook officielle et qui a fait grand bruit.

Pour rappel, la comédienne y a affiché sa lassitude face aux commentaires gratuits, notamment sur son physique, qu’elle recevait de la part du public et, majoritairement, de femmes.

Son message? Arrêtons de critiquer les choix personnels des gens et, entre femmes, soyons solidaires et encourageons-nous plutôt que de nous juger.

« Ça ne sert à rien d’écrire à quelqu’un pour lui dire : “Moi, là, je pense que tu as eu des chirurgies et je pense que tu t’es fait refaire ci puis ça.” Je ne comprends pas cet acte-là. Quand tu es rendu à prendre ton ordi et à écrire à une autre fille pour lui dire que tu ne la trouves pas belle ou que tu trouves que ses cheveux ne sont pas corrects et que tu haïs la couleur, c’est un aveu de ton propre désamour de toi-même. Et c’est ça qui me faisait de la peine. »

La bonne nouvelle, c’est qu’au-delà des nombreux appuis que la comédienne a reçus – à la fois de ses pairs et du public –, les messages désobligeants ont cessé. Un soulagement pour celle qui a aussi son mot à dire sur les femmes et le vieillissement : « Je crois que maintenant, les femmes, il faut imposer notre vieillissement. Et l’imposer avec joie, avec bonne humeur, de façon lumineuse. Parce que, merde, vieillir, c’est toujours bien la seule façon de rester en vie. Alors, moi je veux vieillir! »

Des douches à l’agenda

Un phénomène intrigue particulièrement Guylaine Tremblay à propos de son travail. Alors qu’elle a obtenu très peu de contrats depuis le Bye bye 2022, elle se rend compte, souvent par hasard, que tout le monde pense qu’elle travaille tout le temps… et qu’il ne vaut pas la peine de l’appeler pour des petits rôles : « Les gens du milieu disent : “Bien, on ne t’a pas appelée, parce que, tu sais, ce n’était pas un premier rôle.” Mais je dis : “Voyons, quand ai-je dit que je voulais juste des premiers rôles?” Je ne comprends pas. Moi, je veux travailler dans des séries que j’aime et qui m’allument, peu importe que ce soit un premier ou un deuxième rôle! Ça, vous pouvez l’écrire, parce que je suis bien tannée de me faire dire ça. Je n’ai jamais demandé d’être un premier rôle; j’ai demandé de jouer des choses intéressantes. Ce n’est pas la même chose. »

Or, ce ne sont pas les projets intéressants qui lui manqueront dans les prochains mois, alors qu’elle prévoit devoir inscrire ses douches dans son agenda.

En plus de la reprise de J’sais pas comment, j’sais pas pourquoi, elle participera à une série Web, Cœur vintage, reprendra également la pièce de théâtre Les étés souterrains de Steve Gagnon – présentée d’abord devant un public très limité durant la pandémie –, tournera dans le film Les belles-sœurs de René-Richard Cyr et préparera le Bye bye 2023.

Et quand elle aura un peu de temps libre, à quoi l’occupera-t-elle? « Je vais aller voir ma petite fille! Parce que je suis grand-mère maintenant, et c’est une expérience amoureuse assez incroyable. Une petite vie qui arrive comme ça… Mes amies qui étaient déjà grands-mères m’avaient prévenue, mais je ne les croyais pas tant. Non, non, c’est fou! »

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Le spectacle J’sais pas comment, j’sais pas pourquoi est présenté du 8 octobre au 10 décembre 2023 dans plusieurs salles à travers le Québec.

La pièce Les étés souterrains sera présentée du 22 août au 2 septembre 2023 au théâtre La Bordée, à Québec, puis du 5 au 23 septembre 2023, à la Licorne, à Montréal.

La série Web Cœur vintage sera diffusée sur ICI TOU.TV EXTRA en 2023-2024.

Le film Les belles-sœurs doit atterrir dans les salles de cinéma du Québec en juillet 2024.