Né d’une admiration pour le comédien Serge Thériault et d’une curiosité envers ce qu’il était devenu, le documentaire Dehors, Serge, dehors de Martin Fournier et Pier-Luc Latulippe a révélé à ses propres créateurs, au fil de son tournage, sa véritable nature : un témoignage de courage et de résilience où la solidarité et l’entraide tracent le chemin vers l’espoir.

À l’été 2017, les deux cinéastes pensent à Serge Thériault. Grands admirateurs de son travail d’acteur, notamment pour sa prestation mémorable dans Gaz Bar Blues de Louis Bélanger, ils s’étonnent de le voir disparu des écrans et de la vie publique et tentent de le retrouver. Pour prendre de ses nouvelles, mais également avec la vague idée de réaliser un projet avec lui. « On est parti à sa recherche, explique Pier-Luc Latulippe, oui, peut-être dans l’idée de faire un film sur lui, mais on n’avait rien de précis en tête. Est-ce que [ce serait] un film biographique? Ou un film sur son quotidien en ce moment? Souvent, pour un documentaire, on part avec une idée qui s’ajuste avec les rencontres, avec comment ça va se dérouler. On est beaucoup à l’écoute du réel, finalement. »

La rencontre avec Anna

Et le réel les a bien forcés à l’écouter lorsque les réalisateurs ont finalement retrouvé la demeure de Serge Thériault, où ils se sont présentés un jour, une plante verte à la main en guise d’offrande, sans s’être annoncés. « Sa femme était à l’extérieur. On a été chanceux de tomber sur elle, se rappelle Martin Fournier. Elle nous a dit que Serge ne voulait rencontrer personne et, en discutant avec elle, on a appris qu’il était dans un mauvais état. »

Anna Suazo leur révèle que Serge souffre de dépression depuis plusieurs années, et qu’il n’a pas mis le nez dehors depuis six ans. Elle évoque également son propre quotidien marqué par la difficulté de vivre avec la maladie de son mari. Les deux amis sont touchés par l’histoire de Serge, mais aussi par celle d’Anna.

Anna Suazo, Dehors, Serge, Dehors

En attente d’un miracle

Cette rencontre deviendra la première d’une longue série qui vise avant tout à aider Anna à trouver des ressources et des solutions pour aider son mari. Originaire de la République dominicaine, sans famille proche pour la soutenir, celle-ci se démène seule depuis des années, sans résultats.

Durant deux ans, les réalisateurs établissent une relation de confiance avec Anna, ainsi qu’avec un couple de voisins – Robert et Jolande –, des alliés naturels d’Anna et de Melina, la fille adolescente du couple Thériault-Suazo. Puis, à l’été 2019, Martin Fournier et Pier-Luc Latulippe tournent leur caméra vers ce groupe pour documenter sa quête vers une meilleure santé mentale pour Serge : une recherche parsemée de peine, de doute, de réflexion et… d’espérance. « Anna nous disait tout le temps qu’elle attendait un miracle. On lui a dit : “Peut-être que ton miracle, c’est le documentaire qu’on va faire ensemble. Peut-être que si les gens, les Québécois, voient ça, peut-être que quelqu’un va avoir une idée, que ça va donner de l’amour, du soutien.” »

Le film

Anna, Melina, Robert et Jolande, les véritables héros de Dehors, Serge, dehors, livrent leurs pensées aux cinéastes sans pudeur, mais toujours avec un grand respect pour Serge Thériault, au centre de ce film sans y être tout à fait. Ce qui donne lieu à des moments extrêmement touchants, comme lorsqu’Anna parle de son sentiment d’impuissance, de son épuisement ou encore de la transformation, au fil du temps, de son amour pour Serge.

Commencé « en cachette » de Serge Thériault, le tournage du documentaire s’est déroulé à temps partiel sur plusieurs mois. Et c’est presque un an après qu’un premier contact a été établi avec le comédien. Il ne voulait pas être filmé ni participer à l’œuvre, mais a laissé les cinéastes « faire leurs choses ». « On avait un peu peur de sa réaction, raconte Pier-Luc Latulippe, mais finalement il a aimé notre démarche et tout ce qu’on voulait faire pour Anna. Je pense que ça le touchait. »

Jolande, Robert, Ariel, Martin et Pier-Luc.

L’expérience humaine

Pour Martin Fournier, la réalisation de ce documentaire a été une de ses « plus belles expériences professionnelles à vie ». « On faisait un film, mais en même temps, on était là avec notre cœur, totalement, à 100 %. J’ai grandi au contact d’Anna, et d’être dans cette situation-là, ça a été toute une expérience pour moi. »

« C’est comme une aventure humaine qui nous change, renchérit son complice. Parce qu’on creuse loin un sujet, on s’attache réellement à des gens, et ça va être des relations qui vont durer très très longtemps ».

Martin Fournier et Pier-Luc Latulippe sont également les réalisateurs de Manoir, récipiendaire du prix IRIS du meilleur documentaire en 2017.

Ressources

Association canadienne pour la santé mentale 

Ordre des psychologues du Québec 

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