Qu’il parle de son inspiration pour la cuisine printanière ou qu’il présente avec fierté sa gamme de prêt-à-cuisiner, Stefano Faita en revient toujours à ce qui lui importe le plus : célébrer ses origines.
Le printemps façon Faita
Le chef, animateur, auteur, restaurateur et entrepreneur montréalais a assurément un horaire chargé, mais ça ne l’empêche pas d’être
généreux de son temps et de ses mots. Sa voix porte et son enthousiasme est rapidement contagieux; quand on lui parle, on sait tout de suite qu’on a affaire à un homme passionné, authentique et, bien entendu, gourmand.
« Quand tu me parles de cuisine de printemps, je pense à notre tradition de cabane à sucre! On y va plusieurs fois par année tellement on aime ça. Je suis très proche de Martin Picard, c’est mon meilleur ami et le parrain de mon aînée; on va le voir à sa cabane du Pied de Cochon, on va aux cabanes traditionnelles…
Et, quand c’est pas le temps des sucres, on se fait des soupers de cabane à la maison toute l’année! »
Stefano a aussi la chance d’habiter à deux pas du Marché Jean-Talon, une occasion en or de se laisser inspirer par les produits saisonniers.
« On est vraiment choyés pour ça : tous les jours, je vais au marché pour le souper, c’est très à l’européenne notre affaire. On gaspille moins comme ça, et c’est toujours frais. Quand je vais chercher les enfants à l’école, je leur demande ce qu’ils ont envie de manger, et je vais au marché. Mais pour être franc, ma blonde fait à souper plus souvent que moi! »
Le premier signe du printemps, pour le chef,c’est bien sûr les asperges du Québec. « Dès que les journées allongent, que la lumière arrive, c’est le signal que les asperges s’en viennent. Je pense à toute la verdure, à des plats plus légers, en fraîcheur, et bien sûr à la sortie du barbecue! J’adore griller des légumes, y aller en simplicité. Un plat printanier qui me plaît, c’est d’avoir des pâtes avec des asperges ou des petits pois, un peu de prosciutto en dés, du beurre, de la crème et on finit avec de l’estragon frais. » Difficile de ne pas saliver quand Stefano décrit ce plat!
Pour compléter ce qu’il a dans son frigo, le chef profite de son mini potager, où il fait
pousser des fines herbes, des tomates et de la laitue, dans sa petite cour en plein cœur de Montréal. Ses enfants lui donnent-ils un coup de main dans le jardin?
‘Mes filles s’intéressent au
jardin… quand il faut cueillir les herbes
pour faire le souper!
Je ne leur impose rien, j’espère juste
qu’elles prennent goût au jardinage
et à la cuisine plus tard…’
À 11 ans, Anna, la benjamine, adore déjà cuisiner, aux dires de son célèbre papa. C’est
aussi, paraît-il, la plus gourmande des trois!
« Elle adore manger! Elle m’aide beaucoup en cuisine, pour couper des légumes, étirer la pâte à pizza, préparer le dessert. C’est un beau moment qu’on passe ensemble. » À 5 ans, le cadet, Dario, commence à suivre en cuisine. « Sa tâche préférée, c’est de licher les cuillères! Il veut aussi aider, par exemple en fouettant des choses et, oui, ça déborde, mais ce n’est pas grave. Ma mère, Elena, a toujours dit que tout se nettoie. Même si les enfants font un peu le bordel, ça se lave! C’est comme ça que ma sœur et moi, on a été élevés, et j’essaie de faire ça avec mes enfants. » Quant à son aînée, Emilia, elle cultive en ce moment d’autres intérêts. « C’est normal à 14 ans! Elle me fait penser à ma sœur, Cristina. Elle aussi a beaucoup participé en cuisine jeune, a arrêté ado, puis est revenue à la cuisine quand elle
a déménagé en appartement. À un moment donné, faut cuisiner, faut se nourrir!
Quand on lui demande ce qui devrait se trouver dans un garde-manger pour gagner du temps en cuisine, Stefano répond bien sûr de la sauce tomate. « Et des conserves de légumineuses, comme des lentilles ou des haricots, parce que ça s’utilise partout, dans des pâtes, un ragoût, un chili. Et des pâtes, parce que tout le monde aime ça! À la maison, on est team fusilli. » Il ne manque pas de nommer une excellente huile d’olive et un bon vinaigre de vin pour une touche d’acidité. « Oh et de la roquette aussi, ce goût poivré est délicieux sur des pâtes ou une salade. Ah pis, un saucisson! Je suis vraiment fan de charcuteries, surtout de soppressata. »
Ce n’est donc pas étonnant que sa gamme de produits d’épicerie inclue à peu près tout cela.Son rêve avec la marque Stefano? Garnir toute une tablée « à l’italienne ». Comme celle avec laquelle il a grandi.
Une entreprise née d’une passion commune
L’idée des produits Stefano a mis des années à voir le jour. C’est lors d’une rencontre
fortuite dans une soirée que le projet de faire comme beaucoup de chefs américains a enfin pu se concrétiser, avec son associé Michele Forgione. Après la sauce tomate, mise en marché le 1er septembre 2017, les deux chefs ont retravaillé leurs recettes personnelles pour en faire des versions adaptées aux standards de la production en gros volume.
Son rêve avec la marque Stefano? Garnir toute une tablée « à l’italienne ». Comme celle avec laquelle il a grandi.
Pas de sacrifice sur la qualité, cependant : « Nos tomates sont italiennes, et le premier ingrédient du tiramisu de Michele, c’est le mascarpone, pas la crème. Même si on ne peut pas demander à un employé de déposer un à un des doigts de dame sur une chaîne de production, on tente le plus possible de garder l’intégrité de nos recettes! »
Malgré sa grande connaissance de la cuisine italienne, Stefano admet volontiers qu’il ne sait pas tout, et même qu’il cultive un petit sentiment d’imposteur. « Je vais probablement l’avoir toute ma vie! [rires]
Mon sommelier, Benjamin, est venu avec moi déguster les vins des coops siciliennes et m’a rassuré dans mes choix. Même chose pour les cafés espressos Stefano qui s’en viennent : j’ai fait appel à l’équipe Barista pour qu’Alex et Enrico m’aident à développer les produits. Je suis honnête en disant que je ne suis pas un expert
dans tout. J’aime le vin, j’aime le café, je suis un connaisseur, mais pas un pro. Ce sont des éléments essentiels à mon rêve de tablée italienne, et la clé pour les développer a été de m’entourer des bonnes personnes. »
Telle mère, tel fils?
Ce besoin d’être bien entouré, Stefano sait y répondre tant dans sa vie professionnelle que personnelle. Quand on lui demande comment il arrive à conjuguer les demandes de son travail avec les exigences d’une famille, il est sincère dans sa réponse. « Il n’y a pas de secret. Dans mon cas, je suis bien entouré, j’ai des gens dans mes entreprises qui prennent la relève pour que je puisse aller chercher mes enfants à l’école, être à la maison le soir, faire des activités la fin de semaine, aller au chalet…
Ça a été très dur de trouver un équilibre pendant longtemps, je suis un peu control
freak sur les bords, comme ma mère! On a de la misère à déléguer, ça m’arrive encore parfois. Mais savoir que je peux compter sur des employés clés me rassure. »
Heureusement, il n’a pas que ce trait de caractère en commun avec sa mamma! Stefano et Elena Faita ont une passion commune pour la cuisine qu’ils cultivent depuis la tendre enfance du chef.
‘Le dimanche matin, pendant qu’il y avait des petits bonhommes à la télé, moi j’étais assis sur le comptoir de cuisine entre l’évier et le poêle.
Je pouvais rester là deux, trois, quatre heures aux côtés de ma mère! Elle me faisait tout goûter, après on faisait des pâtes ensemble. Je lui dois mon amour de la bouffe. Même si ma mère travaillait 60 heures à la Quincaillerie Dante, elle cuisinait et prenait soin de sa famille.’
Elena lui a aussi légué une tradition importante, qui pourrait sembler surannée de nos jours et que son fils tient à poursuivre : « Il n’y avait pas de télé dans notre cuisine à l’époque. On s’assoyait, on mangeait ensemble, on jasait. Je viens de rénover le rez-de-chaussée de notre maison avec ma blonde, et on a décidé de ne pas mettre de télé dans la cuisine. On se rend compte qu’on discute beaucoup plus!
» Et, comme sa maman, Stefano fréquente la cuisine de jour… comme de nuit. Quoi? « Ben oui, je me lève la nuit pour manger, ma mère aussi fait ça! Si y’a un gâteau qui traîne, y’a des chances qu’au réveil il n’en reste plus… surtout si c’est un tiramisu! J’en mange un morceau et je retourne me coucher. Ou alors, je me fais une beurrée sur du pain blanc (très important) de tartinade choco-noisettes croquante! »
Son rêve de transmission familiale Si Stefano a suivi en bonne partie (et
volontairement) les traces de sa mère Elena en cuisine, il n’exige rien de ses enfants. Son souhait, ce qu’il aimerait leur léguer? « La liberté. Je veux que mes enfants se sentent libres de faire ce qu’ils veulent, qu’ils trouvent quelque chose qui les allume. C’est un peu cliché, mais c’est ça. Ils n’ont aucune obligation de reprendre les restos ou les produits de papa! S’ils le veulent, tant mieux, mais je ne leur mettrai jamais de pression. » C’est encore là un trait qu’il a hérité de ses parents : « Ils nous laissaient faire ce qu’on avait envie de faire, ils voulaient juste qu’on soit heureux. »
C’est là, avec une recette imbattable de sauce tomate à l’italienne, le plus bel héritage qu’on puisse laisser à ses enfants, parole de chef.